Expulsion dans l’espace
Dans l’utérus, les enfants dansent parmi les mondes
Qui les nourrissent seconde après seconde.
Ils se débattent, hurlent quand ils sont évincés
De la tiède et onctueuse intimité
Du cosmos dans lequel ils flottaient,
Directement branchés sur la félicité.
Ils devinent qu’au dehors c’est la lutte craquante.
Les femmes tortues, haletantes,
Dans les saignements accouchent
Tandis qu’au loin se battent les hommes souches.
Elles pondent des enfants dans les choux
Et la douleur saupoudre le grand tout du tout.
Projetés dans l’air vif acier,
Ils ne cesseront plus de brailler
Jusqu’à ce que le sol humide et chaud
Les absorbe à nouveau.
Ainsi tourne la mappemonde
Depuis que le monde est monde.
Et, pourtant, elle tourne !
Ce matin, le paysage est en fête.
Quelle merveille que cette planète
Qui fonce dans les airs
Dans la splendide apothéose de ses cratères !
Tout le bleu du ciel, toute l’émeraude de la mer,
Tout le miel du soleil vrombissent dans l’éther.
Sauf qu’elle fige ce qu’elle donne,
Au prix des plus terribles cataclysmes.
Quel bouleversement viendra détruire la faune,
Fossiliser à jamais dans les paroxysmes
Celui qui se prénomme l’homme,
Fruit amer issu des pépins de la pomme ?
La délicatesse de ses attitudes ?
Attitude ? Voilà bien du bougre, le socle creux !
De la basse vulgarité à la beauté prude,
Toutes les nuances maussades du spectre insidieux
Se concentrent dans son paraître. Mourir et renaître !
Ce matin-là, l’air était doux, trop doux peut-être.
Les vers du temps
Les vers du temps d'où sont extraits ces poésies, sont publiés chez Edilivre.
Résumé:
Le temps est un carré qui nous enferme, nous tient sous sa férule. Les quatre parties de "les vers du temps" en explorent tour à tour chacun des côtés
1) - Vers à soie (avant): douceur et passion
2) - Vers à pied (pendant) : Vicissitudes et réalité,
3) - Vers de terre (ensuite): combats et destuction,
4) - Vers du nez (jamais): moqueries et illusion
Les poèmes qui précèdent et ceux ci-dessous sont des extraits.
Et voilà que !
L’amour est d’une exigence canonique.
Éperdu, l’on guette le moment où l’on se pâme.
L’autre, l’amant, suscite un besoin psychique
Qui se commue en mouvement de l’âme.
« Je n’ai jamais rien vu de plus beau,
De plus gracieux que toi, nue, sur tes talons hauts.
Merci mon ange, je t’adore, tu es trop gentil,
Tu es l’amour de toute ma vie. »
Ce frisson que tes sens exigent toute honte bue,
Cet élixir t’est désormais un dû.
Maintenant qu’il t’en a divulgué le goût,
À la passion d’honorer chaque rendez-vous.
Horreur ! Après une délicieuse semaine,
Te voilà, suite à vos calembredaines
Face à un regard chirurgical
Qui détaille tes imperfections d’un bleu glacial.
Et toi qui croyais qu’il sécherait tes pleurs
Sur son corps paré des plus enivrantes fleurs,
Te voilà face à un égoïste qui fouaille
De son bistouri le fond de tes entrailles.
Ah, tu imaginais qu’à lui seul revenait
Le soin de confectionner les bouquets
Parce que la première semaine
De l’aventure fut idyllique et sereine ?
Tu croyais qu’il allait toute sa vie pédaler
Comme un forcené dans les montées
Parce que sa bouche crachotait des pétales de rose
Rehaussés de la pourpre éphémère de sa prose ?
Tu croyais tenir ce troubadour
Plié jusqu’à la fin sous le joug de l’amour
Mais voilà que l’éclair narquois de son regard
Enfonce dans ton cœur la lame de son poignard ?
Et ce que tu cherchais hier matin
À masquer pudiquement derrière tes mains,
Voilà qu’il s’en repaît avec une joie malsaine ?
Oh non, ne cours pas t’ouvrir les veines !
Tant pis si ses yeux posent grossièrement
Les pieds dans le vernis de tes sentiments
Et, sans oser l’avouer, critiquent
Tes imperfections physiques !
Que dis-tu, que je suis un gros niais,
Que les regards n’ont pas de pieds ?
Ma mie, même sans pieds, au triple galop,
Ils fuient se cacher derrière la bruine des mots.
Mais je l’admets, les regards n’ont ni pieds, ni mains,
Ils ne saisissent rien, pas même un croûton de pain.
À quoi bon dans ce cas s’offrir des lendemains,
Aussi, excuse l’incorrigible crétin !
Mais n’affirme pas que les regards ne geignent pas !
Viendra le jour où le gredin regrettera
De n’avoir su priser le velours de ton cul.
Maigre consolation t’exclameras-tu !
Tant pis pour lui s’il affirme crûment,
Crûment s’entend,
Que la courbure de ton derrière
Ne vaut pas celle de la terre.
L’autel de l’amour, demoiselle trop sage,
N’est pas l’hôtel de la plage.
C’est plutôt l’auberge espagnole, ma mie.
Trivial ma réflexion, malvenue ? Que nenni !
Je t’affirme, la belle, que tu y trouveras
Uniquement ce que tu y apporteras.
N’y sont inclus ni le vin, ni les sensations.
À toi de dresser sur la nappe, les émotions !
Le premier tango du monde
Elle a aimé un militant aux yeux de braise.
Ses manières capiteuses jusque dans la baise
Affichaient son courage pétri de glaise sauvage,
Le changeaient en un faune au flamboyant ramage.
Mais sitôt son foutre grisâtre en sarabande
Fourré bien au chaud dans ses entrailles gourmandes,
Elle n’a plus tenu dans ses bras qu’un intriguant,
Un baudet flasque à l’organe débandant.
Mais où est donc passée la formidable baudruche
Qui tout à l’heure encore faisait vibrer sa cruche ?
Triste destinée pour qui a éjaculé,
Place au bavard qui cherche à se rassurer !
Pauvre soldat qui, la dernière goutte secouée,
Se détourne et se jette empressé
Sur sa vie de tous les jours !
Elle est toujours là, ta vie, mon pauvre amour.
Elle est là parmi tes chaussettes, ton slip douteux.
Sont là tes papiers, tes clefs, ton sourire cagneux,
Tes pulsions calamiteuses d’insatisfait
Jetées comme ton sperme sur le carreau gelé.
Une histoire banale
Voici venir l’instant où l’équateur bascule.
Mélangeant mortelles dépouilles et vivants frigides,
Futurs à mourir et prochains homuncules,
La terre a une fois de plus tourné dans le vide.
Posture sans fioriture et sans signification,
Sur la case de l’échiquier se tient le pion.
Pris de vertige au sommet de son art,
En équilibre instable, il se détourne et part.
Aucune importance !
Emporté par le tourbillon de l’insouciance,
Il ne discerne que l’écume des mondes
Qui, sans fléchir, tournent en d’interminables rondes.
Quelque temps, pliant sous le fardeau des rites,
Il oubliera que c’est lui qui s’effrite
Et non l’astre qui oscille sur son axe au couchant.
Une planète s’est égarée entre Mars et Pluton.
Elle tourne dans le vide du vide
Et comme un pégase fou galope sans bride,
Se consume en gaz, en éruption d’étoiles.
À jamais, le temps est banni de la toile.
Alors, pourquoi trier chances et malchances,
Se poser des questions qui demeurent sans réponse ?
Dans la vacuité d’un néant incertain,
La terre a tourné le dos à son destin.
La balançoire
Pouvoir ne fût-ce qu’un instant
S’asseoir sur la balançoire du temps !
Tout droit sorti du magasin aux sortilèges
Tourne sur place un somptueux manège.
Sourcils en accent circonflexe,
Les gamins s’approchent et, perplexes,
Regardent pivoter le monde clinquant
Charriant dans le rire des cohortes d’enfants.
Ils écarquillent les yeux devant les Hercules
Qui s’agitent sur les chevaux à bascule,
Prennent la livrée du lion ou les ailes de l’aigle,
Tournoient dans des toupies qui se dérèglent.
Hypnotisés par le bruit et la lumière,
Ils tirent la manche de leur mère.
À leur tour, ils veulent dompter
Les vertiges en rafales dans le bruit et la gaieté.
Et les voici juchés, fiers comme Artaban,
Décochant dans le vent des coups de talon.
À chaque tour, apparaissent des rides profondes
Qui creusent leurs joues encore rondes.
Les mères affolées crient et piaillent,
Agitent le bras au passage de leurs marmailles.
Descendez vite, enfants,
Vous êtes juchés sur la balançoire du temps !
Vous qui vous prenez pour des aigles et des lions,
À chaque tour s’égrènent vos illusions,
À chaque rotation vos cœurs s’endurcissent,
À chaque parcours vos cheveux s’éclaircissent.
Les gosses s’en fichent, rient aux larmes,
Ajoutent leurs cris au vacarme,
Hypnotisés qu’ils sont par la foire aux mirages.
La jeunesse n’a pas d’âge.
Le manège s’arrête, digère sa fournée.
Ceux qui la quittent sont bien vieux.
Une autre prend place et s’envole en fumée.
Leurs yeux ont la couleur des nuées dans les cieux.
À leur tour de disparaître sans laisser trace,
Sans fixer dans les mémoires le temps qui passe.
Et la balancelle monte, descend, monte et descend
Accueillir de nouveaux essaims de garnements.
Ô, pouvoir ne fût-ce qu’un instant
Ralentir la roue acérée du temps !
À côté du magasin aux sortilèges
Tourne un bien étrange manège.
L'aventure est sous le climatiseur
L'aventure est sous le climatiseur est une épopée en vers qui retrace la vie de Raskal Nikov, l'araignée des plafonds encéphaliques qui rend l'homme fou et dépendant. A lire en allant sur le lien suivant:
http://www.edilivre.com/l-aventure-est-sous-le-climatiseur-20c3554dfc.html
Proverbe Chinois
Lorsque la chance nous sourit, nous rencontrons des amis; lorsqu'elle est contre nous, une jolie femme.
Octave Mirbeau
Saluons un écrivain qui avait une vision juste de l'homme.
Ainsi ouvre t-il ironiquement son roman le jardin des supplices: "Aux Prêtres, aux Soldats, aux Juges, aux Hommes, qui éduquent, dirigent, gouvernent les Hommes, je dédie ces pages de Meurtre et de Sang".