Interview de Claude DAMIEN par Cécile Martin
INTERVIEW de CLAUDE DAMIEN
Biographie : Né en 1979 à Boussu en Belgique. Diplôme avec « Grande Distinction » de l’Ecole des Métiers d’Arts (section dessin, puis peinture) en 2001. Médaille de Bronze aux Grands Prix Internationaux de Wallonie, Médaille d’Argent au Concours Art Actuel Galerie en 2002, Galerie Thuillier (Paris) en 2004, Exposition de surréalistes à Bruxelles « Au bord de la pensée » en 2004, Artisti in Mouvemento, Italie. Galerie Araxess en 2006. Diplômé du Certificat d’Aptitude Pédagogique en 2005 (Distinction). Animateur pour enfants et ados au Service Provincial de la Jeunesse de 2001 à 2007. Animateur, Professeur, Administrateur des Ateliers Orion en 2007.
Web: www.artmajeur.com/claudedamien
Vous avez crée vos ateliers en 2006; les Ateliers Orion. Qu'est-ce qui vous avait poussé à le faire?
Dans une région où la pauvreté sévit et où l’art est boudé par l’enseignement officiel, n’est plus qu’un hobbie pour riche, je désirais offrir mon expérience artistique auprès de la population (enfants, ados ou adultes). Et ayant beaucoup étudié la psychologie humaine et l’expression de son inconscient, j’ai mis en place des ateliers de découverte de l’art contemporain mais aussi un lieu où les tabous sont interdits. Certains y verront un espace d’échange de connaissances artistiques ou d’autres, un lieu où l’aide art-thérapeutique peut s’établir.
Pourquoi avoir mis cette citation sur votre site web " "L'imaginaire ne saurait être gardé par des garde-fous" André Breton" ? Nietzsche disait déjà au 19ème siècle, que les intellectuels ne savaient plus penser par eux-mêmes. Il en est de même aujourd’hui pour les artistes. Aujourd’hui, sous la poussée de l’idéologie lacanienne, l’art est abordé dans les académies sous le seul angle de la créativité. En somme : apprenez à mettre des taches partout pour « faire joli ! » Personnellement, je crois qu’il faut d’abord forger son imagination au feu de la technique, pour atteindre, avec l’expérience, à la créativité pure. Je refuse que mon art ne serve qu’au décors : je ne fabrique pas du papier peint ! Mon art est le vecteur de mes rêves, de ma poésie et aussi mes incertitudes.
Chacun de nous doit nourrir son imaginaire car celui-ci est la seule frontière entre le réel et l’irréel. Depuis les peintures rupestres, l’humanité se définit dans cette arme : l’imaginaire, lequel est aussi la source des religions.
Et, sans doute déjà depuis cette époque, les artistes et les prêtres entretiennent des rapports oedypeins. Au temps où l’idolâtrie christique avait le monopole du droit à l’expression, les peintres travaillaient sur commande papale, ce n’est pas pour rien que le Vatican compte les plus beaux musées du monde. Mais même dans ces temps obscurs du totalitarisme théocratique, quelques esprits libres ont sû conserver vivante la tradition ancestrale dans laquelle je me retrouve.
Vous avez déjà gagné pas mal de prix, vous sentez vous accompli en tant qu'artiste? Accompli à mon âge, serait très présomptueux ! De surcroît, un travail artistique n’est jamais fini. Il est continuellement en évolution avec l’éveil de l’artiste. Pour un artiste, l’œuvre n’a pas de fin, il y a toujours à rajouter, à modifier. Toutefois, il faut bien décider d’un moment où le tableau sera considéré comme fini; c’est à ces moments que l’artiste peut mesurer son évolution à travers son art. A ce titre, on peut dire que chaque tableau permet d’atteindre un accomplissement provisoire.
Pourquoi cette préférence pour le surréalisme? J’ai rencontré beaucoup d’artistes surréalistes contemporains. J’ai suivi cette voie artistique car elle exprime bien mon anti-conformisme et qu’elle permet de se comprendre soi-même grâce à ses liens avec la psychanalyse. Certes, certains diront que le surréalisme est mort. C’est faux, il a évolué, notamment par le mouvement CoBrA, dans un art inédit et souvent visionnaire.
« La beauté ne réside pas seulement dans la joie ; mais aussi dans sa douleur et toutes autres expressions. C’est ces expressions nous distinguent de la machine. Puisque le visage est la première manifestation extérieure vers de nouvelles rencontres humaines. » D'où vous vient cet intérêt pour le portrait?
A l’âge de 8 ans, je réussissais déjà le portrait de ma mère sans connaître les règles artistiques du canon humain. J’ai toujours été attiré par la beauté d’un visage. Pas la beauté surfaite comme les stars du cinéma, mais par le charme que la vie apporte sur un corps avec le temps. Toutefois, j’avoue aussi, ne m’être jamais trouvé beau, c’est donc une recherche de ma beauté dans le visage des autres.
Vos techniques de peintures sont toutes très différentes, mais avez-vous une petite préférence?
J’ai travaillé sur tous les supports : toile, bois, carton, métal, et avec tous les mediums : l’acrylique, l’huile, ou les techniques mixtes. Aujourd’hui, j’aime utiliser différentes matières et déchets recyclés sur une toile, le tout recouvert d’acrylique.
Dans vos peintures, le message que vous faites passer est-il toujours en rapport avec les débats et problèmes de la société? Tel que le suicide évoqué à l' Exposition de Bruxelles 2006 ?
Ce débat sur le suicide des jeunes, je l’ai abordé pour la première fois, en 2001. A l’époque, j’entendais parfois des réflexions du genre « les jeunes ont la vie trop facile maintenant, ce n’est pas comme avant ». Il ne faut pas oublier que chaque génération apporte son lot de réponses aux problèmes de sa société. Mais, le résultat donne toujours de nouvelles difficultés pour la génération suivante.
Que pensez vous des travaux des artistes de votre génération ?
Malheureusement, je suis déçu. Actuellement l’art conceptuel fait recette et seuls les artistes travaillant dans des performances conceptuelles gagnent à être connu. C’est un art à la mode. Les gens sont fascinés par cette concentration de pseudo intellectuels qui se présentent comme révolutionnaires. Pourtant, ce n’est pas nouveau. Duchamp créa l’art conceptuel en 1917 avec son urinoir. Je pense que son désir était de montrer non seulement que l’art se découvre dans la vie de tous les jours, mais aussi que l’art atteint une limite car l’objet est devenu une mode.
Dans les années 1990, en Belgique, il y a eu un retour du minimal art. Cet art était une révolution de Rothko, par exemple. En 1947, il réalisait les « multiforms » ; l’année suivante, il expose à Conptempory Américain Sculpture Watercolors and Drawing au Whitney Museum Americain Art à New York. C’était une évolution, et une révolution intellectuelle de l’art. Aujourd’hui, c’est dépassé depuis longtemps. J’ai connu des artistes qui ont gagné des prix pour des œuvres réalisées en quelques minutes et surtout sans la moindre réflexion.
Pourquoi n’avoir pas travaillé ce style de peinture ?
Cela aurait été malhonnête envers mes capacités. Je préfère me fier à mon goût et à l’appréciation d’un Miguel Lohlé, par exemple, plutôt que roucouler pour gagner les incertains suffrages des jurys. La « Star Ac’ », ce n’est pas mon truc. Mais, cela prouve aussi comme les gens sont stupides, ils acceptent un art dépassé mais revenu à la mode.
La société est emprisonnée par les modes éphémères. Dans tous les domaines artistiques, stylisme, sculpture, peinture, musique, etc. On vit la vie à cent à l’heure. Dans un tel état de notre société, l’art plastique est devenu lui aussi objet de consommation. Un nid à poussières au dessus d’une cheminée, voilà ce qu’est devenu la conception du travail des poètes plasticiens.
Vous avez quand même gagné une médaille aux Grands Prix Internationaux de Wallonie ?
Certes ! Mais vous ne savez pas tout. Il y a eu beaucoup de colère des artistes participants. Les premiers prix étaient attribués à certains membres du jury ! Des amateurs du dimanche participaient aussi. Entre les pots de fleurs et les peintures contemporaines, les prix sont tombés sous formes de diplômes mal photocopiés. Et on offrait ces torchons à des artistes dont certains sont des professionnels de l’impression ou de l’infographie.
Alors, je me demande dans quelle cour d’école je joue ?
Vous avez exposé dans plusieurs galeries, n’est ce pas une réussite ?
En Belgique comme en France d’ailleurs, les galeries fonctionnent mal. Il est loin le temps où un artiste était accosté par un galeriste pour ses travaux. Ce que les gens ne savent pas : c’est que pour exposer dans une galerie aujourd’hui, il faut sortir de son porte feuille, plusieurs centaines, voire mille euros. J’ai toutefois rencontré quelques galeristes honnêtes qui voulaient aider les artistes (comme la galerie Araxess). Mais dans un monde capitaliste, on nous demande de servir un plat de spaghetti comme une dégustation de caviar. Les galeristes font leur commerce. Je comprends qu’ils prennent un pourcentage. Mais demander à un jeune artiste d’assumer les frais du vernissage, des invitations et de payer des secrétaires, cela devient du vol !
Vous rencontrez beaucoup d’enfant grâce aux ateliers Orion. Que pensent-ils de l’art aujourd’hui ?
Pour utiliser leurs termes : « c’est du n’importe quoi ». Ils ne font souvent que répéter les propos de leurs parents. Mais, n’ont-il pas raison ?
Quand un artiste peintre français exécute des peintures en arrosant des couples qui baisent sur une toile au sol, est ce une révolution artistique ? Depuis l’aube des temps, l’homme est fasciné par son sexe.
Alors, pourquoi continuer dans le domaine de l’art ?
La passion est présente en moi comme une maladie. Du carmin à l’ocre, les couleurs d’une palette ouvrent les espoirs, les intimes délices de la vie. La création n’est pas une cause sotte, elle conduit l’intelligence à l’éveil de la condition humaine. Dans un lieu où l’homme n’est plus le maître des choses de la vie. Son imaginaire défie les lois du temps. Vivre sans cela, est ce vivre ? L’acte dégoulinant de mes mains vaut bien les glaives des héros de la mythologie grecque. L’amour, la passion reste le plus grand pouvoir de l’homme. Souvenez vous, que les plus grands viennent de l’inconnu. Croire que tout le monde aura ses 15 min de célébrité est faux. Beaucoup d’entres nous, même moi peut être, resteront cachés dans ce régime conformiste. Car une société qui se dit libre et démocratique, n’est pas forcément équitable. Quelles sont les raisons de peindre ? Difficile à dire. Rien n’est plus absurde que la création.
Il n’y a pas de raison plus absurde que la création. Les totalitaires, les maîtres du savoir diront toujours « je sais mieux que toi ». Mais ces personnes se sont-elles laissés guider dans le divin hasard du pinceau, ou de la plume. Il ne suffit pas d’offrir un savoir ou une logique.
On vit dans un monde illogique. Un monde où les cons avancent et écrasent la sensibilité des esprits égarés. Un monde où l’on nous demande de perdre cette sensibilité.
L’amour serait il la seule solution ? Il en fait partie. Mais un esprit qui ne comprend pas la nécessité de la passion, ne sera jamais qu’un corps défaillant, voire inerte. L’existence aurait elle lieu d’être sans la recherche éternelle du plaisir souverain de créer?
L’amour et la création sont tous les deux nécessaires.
Un mot pour la fin?
« L’expression est un art que trop peu de gens détiennent, l’art est une expression que trop de gens pensent posséder »
Propos recueillis par Cécile Martin, Journaliste
08/2007
Biographie : Né en 1979 à Boussu en Belgique. Diplôme avec « Grande Distinction » de l’Ecole des Métiers d’Arts (section dessin, puis peinture) en 2001. Médaille de Bronze aux Grands Prix Internationaux de Wallonie, Médaille d’Argent au Concours Art Actuel Galerie en 2002, Galerie Thuillier (Paris) en 2004, Exposition de surréalistes à Bruxelles « Au bord de la pensée » en 2004, Artisti in Mouvemento, Italie. Galerie Araxess en 2006. Diplômé du Certificat d’Aptitude Pédagogique en 2005 (Distinction). Animateur pour enfants et ados au Service Provincial de la Jeunesse de 2001 à 2007. Animateur, Professeur, Administrateur des Ateliers Orion en 2007.
Web: www.artmajeur.com/claudedamien
Vous avez crée vos ateliers en 2006; les Ateliers Orion. Qu'est-ce qui vous avait poussé à le faire?
Dans une région où la pauvreté sévit et où l’art est boudé par l’enseignement officiel, n’est plus qu’un hobbie pour riche, je désirais offrir mon expérience artistique auprès de la population (enfants, ados ou adultes). Et ayant beaucoup étudié la psychologie humaine et l’expression de son inconscient, j’ai mis en place des ateliers de découverte de l’art contemporain mais aussi un lieu où les tabous sont interdits. Certains y verront un espace d’échange de connaissances artistiques ou d’autres, un lieu où l’aide art-thérapeutique peut s’établir.
Pourquoi avoir mis cette citation sur votre site web " "L'imaginaire ne saurait être gardé par des garde-fous" André Breton" ? Nietzsche disait déjà au 19ème siècle, que les intellectuels ne savaient plus penser par eux-mêmes. Il en est de même aujourd’hui pour les artistes. Aujourd’hui, sous la poussée de l’idéologie lacanienne, l’art est abordé dans les académies sous le seul angle de la créativité. En somme : apprenez à mettre des taches partout pour « faire joli ! » Personnellement, je crois qu’il faut d’abord forger son imagination au feu de la technique, pour atteindre, avec l’expérience, à la créativité pure. Je refuse que mon art ne serve qu’au décors : je ne fabrique pas du papier peint ! Mon art est le vecteur de mes rêves, de ma poésie et aussi mes incertitudes.
Chacun de nous doit nourrir son imaginaire car celui-ci est la seule frontière entre le réel et l’irréel. Depuis les peintures rupestres, l’humanité se définit dans cette arme : l’imaginaire, lequel est aussi la source des religions.
Et, sans doute déjà depuis cette époque, les artistes et les prêtres entretiennent des rapports oedypeins. Au temps où l’idolâtrie christique avait le monopole du droit à l’expression, les peintres travaillaient sur commande papale, ce n’est pas pour rien que le Vatican compte les plus beaux musées du monde. Mais même dans ces temps obscurs du totalitarisme théocratique, quelques esprits libres ont sû conserver vivante la tradition ancestrale dans laquelle je me retrouve.
Vous avez déjà gagné pas mal de prix, vous sentez vous accompli en tant qu'artiste? Accompli à mon âge, serait très présomptueux ! De surcroît, un travail artistique n’est jamais fini. Il est continuellement en évolution avec l’éveil de l’artiste. Pour un artiste, l’œuvre n’a pas de fin, il y a toujours à rajouter, à modifier. Toutefois, il faut bien décider d’un moment où le tableau sera considéré comme fini; c’est à ces moments que l’artiste peut mesurer son évolution à travers son art. A ce titre, on peut dire que chaque tableau permet d’atteindre un accomplissement provisoire.
Pourquoi cette préférence pour le surréalisme? J’ai rencontré beaucoup d’artistes surréalistes contemporains. J’ai suivi cette voie artistique car elle exprime bien mon anti-conformisme et qu’elle permet de se comprendre soi-même grâce à ses liens avec la psychanalyse. Certes, certains diront que le surréalisme est mort. C’est faux, il a évolué, notamment par le mouvement CoBrA, dans un art inédit et souvent visionnaire.
« La beauté ne réside pas seulement dans la joie ; mais aussi dans sa douleur et toutes autres expressions. C’est ces expressions nous distinguent de la machine. Puisque le visage est la première manifestation extérieure vers de nouvelles rencontres humaines. » D'où vous vient cet intérêt pour le portrait?
A l’âge de 8 ans, je réussissais déjà le portrait de ma mère sans connaître les règles artistiques du canon humain. J’ai toujours été attiré par la beauté d’un visage. Pas la beauté surfaite comme les stars du cinéma, mais par le charme que la vie apporte sur un corps avec le temps. Toutefois, j’avoue aussi, ne m’être jamais trouvé beau, c’est donc une recherche de ma beauté dans le visage des autres.
Vos techniques de peintures sont toutes très différentes, mais avez-vous une petite préférence?
J’ai travaillé sur tous les supports : toile, bois, carton, métal, et avec tous les mediums : l’acrylique, l’huile, ou les techniques mixtes. Aujourd’hui, j’aime utiliser différentes matières et déchets recyclés sur une toile, le tout recouvert d’acrylique.
Dans vos peintures, le message que vous faites passer est-il toujours en rapport avec les débats et problèmes de la société? Tel que le suicide évoqué à l' Exposition de Bruxelles 2006 ?
Ce débat sur le suicide des jeunes, je l’ai abordé pour la première fois, en 2001. A l’époque, j’entendais parfois des réflexions du genre « les jeunes ont la vie trop facile maintenant, ce n’est pas comme avant ». Il ne faut pas oublier que chaque génération apporte son lot de réponses aux problèmes de sa société. Mais, le résultat donne toujours de nouvelles difficultés pour la génération suivante.
Que pensez vous des travaux des artistes de votre génération ?
Malheureusement, je suis déçu. Actuellement l’art conceptuel fait recette et seuls les artistes travaillant dans des performances conceptuelles gagnent à être connu. C’est un art à la mode. Les gens sont fascinés par cette concentration de pseudo intellectuels qui se présentent comme révolutionnaires. Pourtant, ce n’est pas nouveau. Duchamp créa l’art conceptuel en 1917 avec son urinoir. Je pense que son désir était de montrer non seulement que l’art se découvre dans la vie de tous les jours, mais aussi que l’art atteint une limite car l’objet est devenu une mode.
Dans les années 1990, en Belgique, il y a eu un retour du minimal art. Cet art était une révolution de Rothko, par exemple. En 1947, il réalisait les « multiforms » ; l’année suivante, il expose à Conptempory Américain Sculpture Watercolors and Drawing au Whitney Museum Americain Art à New York. C’était une évolution, et une révolution intellectuelle de l’art. Aujourd’hui, c’est dépassé depuis longtemps. J’ai connu des artistes qui ont gagné des prix pour des œuvres réalisées en quelques minutes et surtout sans la moindre réflexion.
Pourquoi n’avoir pas travaillé ce style de peinture ?
Cela aurait été malhonnête envers mes capacités. Je préfère me fier à mon goût et à l’appréciation d’un Miguel Lohlé, par exemple, plutôt que roucouler pour gagner les incertains suffrages des jurys. La « Star Ac’ », ce n’est pas mon truc. Mais, cela prouve aussi comme les gens sont stupides, ils acceptent un art dépassé mais revenu à la mode.
La société est emprisonnée par les modes éphémères. Dans tous les domaines artistiques, stylisme, sculpture, peinture, musique, etc. On vit la vie à cent à l’heure. Dans un tel état de notre société, l’art plastique est devenu lui aussi objet de consommation. Un nid à poussières au dessus d’une cheminée, voilà ce qu’est devenu la conception du travail des poètes plasticiens.
Vous avez quand même gagné une médaille aux Grands Prix Internationaux de Wallonie ?
Certes ! Mais vous ne savez pas tout. Il y a eu beaucoup de colère des artistes participants. Les premiers prix étaient attribués à certains membres du jury ! Des amateurs du dimanche participaient aussi. Entre les pots de fleurs et les peintures contemporaines, les prix sont tombés sous formes de diplômes mal photocopiés. Et on offrait ces torchons à des artistes dont certains sont des professionnels de l’impression ou de l’infographie.
Alors, je me demande dans quelle cour d’école je joue ?
Vous avez exposé dans plusieurs galeries, n’est ce pas une réussite ?
En Belgique comme en France d’ailleurs, les galeries fonctionnent mal. Il est loin le temps où un artiste était accosté par un galeriste pour ses travaux. Ce que les gens ne savent pas : c’est que pour exposer dans une galerie aujourd’hui, il faut sortir de son porte feuille, plusieurs centaines, voire mille euros. J’ai toutefois rencontré quelques galeristes honnêtes qui voulaient aider les artistes (comme la galerie Araxess). Mais dans un monde capitaliste, on nous demande de servir un plat de spaghetti comme une dégustation de caviar. Les galeristes font leur commerce. Je comprends qu’ils prennent un pourcentage. Mais demander à un jeune artiste d’assumer les frais du vernissage, des invitations et de payer des secrétaires, cela devient du vol !
Vous rencontrez beaucoup d’enfant grâce aux ateliers Orion. Que pensent-ils de l’art aujourd’hui ?
Pour utiliser leurs termes : « c’est du n’importe quoi ». Ils ne font souvent que répéter les propos de leurs parents. Mais, n’ont-il pas raison ?
Quand un artiste peintre français exécute des peintures en arrosant des couples qui baisent sur une toile au sol, est ce une révolution artistique ? Depuis l’aube des temps, l’homme est fasciné par son sexe.
Alors, pourquoi continuer dans le domaine de l’art ?
La passion est présente en moi comme une maladie. Du carmin à l’ocre, les couleurs d’une palette ouvrent les espoirs, les intimes délices de la vie. La création n’est pas une cause sotte, elle conduit l’intelligence à l’éveil de la condition humaine. Dans un lieu où l’homme n’est plus le maître des choses de la vie. Son imaginaire défie les lois du temps. Vivre sans cela, est ce vivre ? L’acte dégoulinant de mes mains vaut bien les glaives des héros de la mythologie grecque. L’amour, la passion reste le plus grand pouvoir de l’homme. Souvenez vous, que les plus grands viennent de l’inconnu. Croire que tout le monde aura ses 15 min de célébrité est faux. Beaucoup d’entres nous, même moi peut être, resteront cachés dans ce régime conformiste. Car une société qui se dit libre et démocratique, n’est pas forcément équitable. Quelles sont les raisons de peindre ? Difficile à dire. Rien n’est plus absurde que la création.
Il n’y a pas de raison plus absurde que la création. Les totalitaires, les maîtres du savoir diront toujours « je sais mieux que toi ». Mais ces personnes se sont-elles laissés guider dans le divin hasard du pinceau, ou de la plume. Il ne suffit pas d’offrir un savoir ou une logique.
On vit dans un monde illogique. Un monde où les cons avancent et écrasent la sensibilité des esprits égarés. Un monde où l’on nous demande de perdre cette sensibilité.
L’amour serait il la seule solution ? Il en fait partie. Mais un esprit qui ne comprend pas la nécessité de la passion, ne sera jamais qu’un corps défaillant, voire inerte. L’existence aurait elle lieu d’être sans la recherche éternelle du plaisir souverain de créer?
L’amour et la création sont tous les deux nécessaires.
Un mot pour la fin?
« L’expression est un art que trop peu de gens détiennent, l’art est une expression que trop de gens pensent posséder »
Propos recueillis par Cécile Martin, Journaliste
08/2007