Le Seuil (N°1), de près
https://youtu.be/QcqMQMtXKug
Le Seuil (N°1)
Huile sur toile 80x100 cm
2020
La question qui se pose est « pourquoi le seuil ? » et « où la singularité de cette représentation se situe-t-elle, étant une reprise de Caravage ? ».
Face à ce modèle que j’ai choisi, je crois qu’elle se trouve dans la micro variation, dans « l’inframince » que je souhaite prendre à rebours de Duchamp, en un sens, avec ses « ready-mades ». J’avance en quelque sorte, que l’art rétinien n’est pas mort, contrairement à ce qu’il a annoncé. Et, en reprenant sa théorie sur cet « inframince », je fais une proposition : il est possible d’accepter et d’annoncer sa dette envers l’histoire de l’art, envers les artistes passés et présents tout en apportant sa part de création avec ces micro variations de la représentation. La singularité de ces petits « pas de sens » gît ici dans cet espace étroit qui permet différence et répétition en fonction de leur articulation. Je ne suis pas dans la rupture mais dans une continuité évolutive avec ce que j’aime. Le terme « évolutif me semble important » car il donne une importance au mouvement, celui de l’aphanisis du sujet, celui de l’acte créatif etc. Je ne prétends pas plus que de proposer une très petite contribution qui n’est finalement qu’une question de perspective et de point de vue, celle du « regardeur », notamment. L’acte importe plus pour moi et c’est celui d’un artisan, en quelque sorte. Ici, Il est fait référence à l’incrédulité de Saint-Thomas face à un Christ ressuscité, mais spécifiquement selon la rhétorique de Caravage, assez sulfureuse à son époque. Il y a trois apôtres, initialement, mais j’y ai introduit un quatrième personnage, anachronique, qui sourit, se moque tout en interrogeant ces trois personnes ébahies et interloquées. Ce personnage, a pour fonction de poser des questions, tel un Socrate, pour tenter de trouver une vérité. Laquelle ? La question de la résurrection n’est évidemment pas son sujet, ni sa préoccupation. La résurrection du Christ est une figure de style, une métaphore, c’est à dire qu’elle n’a rien à voir avec ce qu’elle présente dans un poudroiement aveuglant. Non, ce qui compte est ce qu’elle cache, elle mais aussi la peinture (On retrouve ici la question de l’Ekphanestaton, du sfumato, de l’aphanisis aussi en un autre domaine). Comme l’a écrit Jean-Marie Pontevia, « Peindre, c’est toujours faire voir le feu sous la cendre ». Pour moi, je me trompe peut-être, la bonne question est celle du seuil, celui du passage et de la délicate transition, celui qui transforme l’autre de la relation. C’est ici un seuil mis en abîme. La distance corporelle dans la relation est ici une blague, un tour de passe-passe pour détourner un bref moment l’attention de celui qui regarde. Ce doigt dans la plaie infligée par un romain au Christ crucifié est de la poudre aux yeux, le sel grossier d’un spectacle. Non, ce qui compte dans un premier temps c’est la question de l’incrédulité et de l’étonnement qui sont précisément au seuil, ce moment de passage entre croire et ne pas croire, entre le doute sur l’identité de l’autre et le fait de le reconnaître en tant que tel. « Est-ce bien le fils de dieu ? ». Quel que soit son choix, Thomas en sortira-t-il transformé ? N’est-ce pas ce qui compte le plus ? La figure d’un dieu sur terre est un symbole, un effet de rhétorique, surtout aujourd’hui. Je crois que la relation qui a lié ces hommes et qui les a portés dans leurs projets devait être plus importante. Mise en abîme, car il est question aussi du seuil entre générations, de facto, avec cette jeune personne qui se détache de l’ensemble et ouvre la toile à l’extérieur. Il est donc aussi question de seuil entre ce qui se joue « dans » la toile et l’extérieur, ceux qui regardent à travers le temps. Nous ne sommes pas loin de la césure faisant transition, une délicate transition inspirée par la bande Möbius ou la bouteille de Klein. Intime et extime ? Ce personnage excentré, le seul qui ne soit pas focalisé sur la figure du Christ et qui est tourné vers l’extérieur et « les regardeurs », est pour moi le plus important. Il est celui qui permet ce petit pas singulier, cette petite variation qui ouvre l’ensemble à l’extérieur. En le peignant, j’ai pensé à Daniel Arasse, qui a écrit sur le détail en peinture, mais également sur l’importance de l’anachronisme, comme celui de Foucault au sujet des « Ménines" dans son introduction de « Les mots et les choses ». L’anachronisme n’est-il pas porteur de sens ? Au moins sur son actualité contemporaine ? Je crois en outre que l’anachronisme ou le contre-sens sont des privilèges d’autodidactes car il n’y a pas de censure scientifique ou universitaire qui tiennent en ce lieu pour lui. L’autodidacte, à sa façon, échappe à l’auto-engendrement produit parfois par un système scientifique ou universitaire dans son rapport à la vérité. En effet, l’autodidacte ne fait pas nécessairement un contresens ; il apprend seul, puis il prend, il s’approprie et crée. Encore faut-il qu’il prenne conscience de ses éventuels contresens dans le champ de certains savoirs et surtout qu’il reconnaisse sa dette envers ces savoirs que l’autre lui a transmis (souvent dans des livres), un autre très fréquemment universitaire ou scientifique, justement, mais aussi pédagogue. Se pose aussi la question de la méthode que l’académisme permet, mais il y a un peu de ça, selon moi, chez l’autodidacte, le choix du bricolage et de l’inventivité.
Jean-François Ferbos
Le Seuil (N°1)
Huile sur toile 80x100 cm
2020
La question qui se pose est « pourquoi le seuil ? » et « où la singularité de cette représentation se situe-t-elle, étant une reprise de Caravage ? ».
Face à ce modèle que j’ai choisi, je crois qu’elle se trouve dans la micro variation, dans « l’inframince » que je souhaite prendre à rebours de Duchamp, en un sens, avec ses « ready-mades ». J’avance en quelque sorte, que l’art rétinien n’est pas mort, contrairement à ce qu’il a annoncé. Et, en reprenant sa théorie sur cet « inframince », je fais une proposition : il est possible d’accepter et d’annoncer sa dette envers l’histoire de l’art, envers les artistes passés et présents tout en apportant sa part de création avec ces micro variations de la représentation. La singularité de ces petits « pas de sens » gît ici dans cet espace étroit qui permet différence et répétition en fonction de leur articulation. Je ne suis pas dans la rupture mais dans une continuité évolutive avec ce que j’aime. Le terme « évolutif me semble important » car il donne une importance au mouvement, celui de l’aphanisis du sujet, celui de l’acte créatif etc. Je ne prétends pas plus que de proposer une très petite contribution qui n’est finalement qu’une question de perspective et de point de vue, celle du « regardeur », notamment. L’acte importe plus pour moi et c’est celui d’un artisan, en quelque sorte. Ici, Il est fait référence à l’incrédulité de Saint-Thomas face à un Christ ressuscité, mais spécifiquement selon la rhétorique de Caravage, assez sulfureuse à son époque. Il y a trois apôtres, initialement, mais j’y ai introduit un quatrième personnage, anachronique, qui sourit, se moque tout en interrogeant ces trois personnes ébahies et interloquées. Ce personnage, a pour fonction de poser des questions, tel un Socrate, pour tenter de trouver une vérité. Laquelle ? La question de la résurrection n’est évidemment pas son sujet, ni sa préoccupation. La résurrection du Christ est une figure de style, une métaphore, c’est à dire qu’elle n’a rien à voir avec ce qu’elle présente dans un poudroiement aveuglant. Non, ce qui compte est ce qu’elle cache, elle mais aussi la peinture (On retrouve ici la question de l’Ekphanestaton, du sfumato, de l’aphanisis aussi en un autre domaine). Comme l’a écrit Jean-Marie Pontevia, « Peindre, c’est toujours faire voir le feu sous la cendre ». Pour moi, je me trompe peut-être, la bonne question est celle du seuil, celui du passage et de la délicate transition, celui qui transforme l’autre de la relation. C’est ici un seuil mis en abîme. La distance corporelle dans la relation est ici une blague, un tour de passe-passe pour détourner un bref moment l’attention de celui qui regarde. Ce doigt dans la plaie infligée par un romain au Christ crucifié est de la poudre aux yeux, le sel grossier d’un spectacle. Non, ce qui compte dans un premier temps c’est la question de l’incrédulité et de l’étonnement qui sont précisément au seuil, ce moment de passage entre croire et ne pas croire, entre le doute sur l’identité de l’autre et le fait de le reconnaître en tant que tel. « Est-ce bien le fils de dieu ? ». Quel que soit son choix, Thomas en sortira-t-il transformé ? N’est-ce pas ce qui compte le plus ? La figure d’un dieu sur terre est un symbole, un effet de rhétorique, surtout aujourd’hui. Je crois que la relation qui a lié ces hommes et qui les a portés dans leurs projets devait être plus importante. Mise en abîme, car il est question aussi du seuil entre générations, de facto, avec cette jeune personne qui se détache de l’ensemble et ouvre la toile à l’extérieur. Il est donc aussi question de seuil entre ce qui se joue « dans » la toile et l’extérieur, ceux qui regardent à travers le temps. Nous ne sommes pas loin de la césure faisant transition, une délicate transition inspirée par la bande Möbius ou la bouteille de Klein. Intime et extime ? Ce personnage excentré, le seul qui ne soit pas focalisé sur la figure du Christ et qui est tourné vers l’extérieur et « les regardeurs », est pour moi le plus important. Il est celui qui permet ce petit pas singulier, cette petite variation qui ouvre l’ensemble à l’extérieur. En le peignant, j’ai pensé à Daniel Arasse, qui a écrit sur le détail en peinture, mais également sur l’importance de l’anachronisme, comme celui de Foucault au sujet des « Ménines" dans son introduction de « Les mots et les choses ». L’anachronisme n’est-il pas porteur de sens ? Au moins sur son actualité contemporaine ? Je crois en outre que l’anachronisme ou le contre-sens sont des privilèges d’autodidactes car il n’y a pas de censure scientifique ou universitaire qui tiennent en ce lieu pour lui. L’autodidacte, à sa façon, échappe à l’auto-engendrement produit parfois par un système scientifique ou universitaire dans son rapport à la vérité. En effet, l’autodidacte ne fait pas nécessairement un contresens ; il apprend seul, puis il prend, il s’approprie et crée. Encore faut-il qu’il prenne conscience de ses éventuels contresens dans le champ de certains savoirs et surtout qu’il reconnaisse sa dette envers ces savoirs que l’autre lui a transmis (souvent dans des livres), un autre très fréquemment universitaire ou scientifique, justement, mais aussi pédagogue. Se pose aussi la question de la méthode que l’académisme permet, mais il y a un peu de ça, selon moi, chez l’autodidacte, le choix du bricolage et de l’inventivité.
Jean-François Ferbos