DaniDany

Eté 2007. Après avoir longuement contemplé les célèbres angelots rêveurs qui ornent le bas du tableau de Raphaël "La Madonne Sixtine", j'avais déniché un carré de contreplaqué, installé mon matériel au jardin, décidée à composer un nouveau tableau en me servant de la posture de ces deux polissons ailés. Je voulais en faire deux femmes, deux élégantes, et puis ensuite je verrais bien. Mais cet après-midi là, il y avait des courants d'air, des bourdonnements d'insectes de mauvaise humeur, sans doute de l'orage dans l'air, enfin un je ne sais quoi qui fit que mon pinceau se ramolissait et que mes couleurs viraient. Et plus j'insistais, plus mes angelots se transformaient en matronnes de mauvaise vie, en pochardes outrageusement maquillées, en fêtardes malades, affligées d'une jaunisse, les yeux dégoulinant de rimmel et affublées de méchants oripeaux moutarde et lie-de-vin. Le résultat était d'une grande laideur. A tel point que je n'osai montrer ça à personne. Le tableau est restée plusieurs mois face contre le mur et derrière une armoire pour que sa vue n'incommode personne... pourtant, si je ne l'ai pas jeté, c'est parcequ'il avait quelquechose de décadent qui, en fait, me plaisait. Au printemps suivant, ma cabane-atelier se dressait enfin au fond du jardin et j'y transportai le tableau . Il me fallait inaugurer les lieux et les deux madames avaient besoin d'un ravalement urgent. Inspirée par le soleil printanier, c'est dans les jaunes et les verts hardos que je trempai mon pinceau. En quelques mois avec ce tableau j'avais hardiment singé tour à tour Raphaël, Toulouse-Lautrec et enfin Andy Warhol. La seule logique dans ce foutoir étant la chronologie. Et le résultat était toujours aussi affligeant. C'est alors que le rose me prit d'assaut. Je décidait d'habiller la femme de droite d'une robe de plastique rose, de lui mettre un chapeau en papier plein de fleurs et de lui faire le cheveu noir. Pour celle de gauche j'ajoutai du bleu et la fit genre flower-power. Et je leur ai fait des yeux comme des lunettes, où se reflète le monde extérieur... Comme ça elles me plaisent, caricaturales, follasses, mais la tête pleine